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Dans le cadre de la 3e édition de l’événement du Chantier régional en réussite éducative, les membres ont dévoilé les résultats de l’étude sur les coûts économiques et l’impact du décrochage dans Lanaudière. Réalisé par Frédéric Laurin, Ph. D. en économie et chercheur à l’Institut de recherche sur les PME de l’UQTR, le rapport est sans équivoque : les impacts socio‑économiques du décrochage scolaire pour Lanaudière sont faramineux, totalisant 1,87 milliards de dollars par année.

« Commandée par le CREVALE, cette étude est un électrochoc pour tous les acteurs mobilisés en réussite éducative. Elle met pour ainsi dire des mots et des chiffres clairs sur une préoccupation régionale déjà présente alors que Lanaudière se classe au 11e rang des régions administratives pour la proportion de sa population n’ayant aucun diplôme (12,5 %), un niveau supérieur à l’ensemble du Québec (9,7 %)[1] », de mentionner Ann-Marie Picard, directrice générale du Comité régional en valorisation de l’éducation (CREVALE), organisme coordonnateur du Chantier.

Une étude nécessaire

Au cours des dernières semaines, le taux de décrochage scolaire observé dans la région de Lanaudière a fait grand bruit dans l’actualité. Loin d’être une surprise pour les principaux acteurs œuvrant en réussite éducative, ces statistiques préoccupent depuis un moment. C’est pourquoi le CREVALE, appuyé par les membres du Chantier, a commandé une étude inédite à monsieur Frédéric Laurin sur les coûts économiques et l’impact du décrochage pour la région. L’objectif consiste à présenter une estimation de l’ampleur de ces coûts et à établir les relations existantes entre le décrochage et le développement régional, le tout en s’appuyant sur un portrait socio-économique de Lanaudière.

Ainsi, en calculant l’écart de revenus entre les décrocheurs et les diplômés, selon deux méthodologies distinctes1, monsieur Laurin estime une perte totale de revenus pour Lanaudière variant entre 373,7 et 874,1 millions de dollars par année. Il s’agit d’une importante perte de potentiel économique pour la région. Le taux de décrocheurs occasionne aussi de nombreuses dépenses liées à la santé, à l’aide sociale, à la criminalité et aux besoins en assurance-emploi. En additionnant l’écart de revenus à ces différentes pertes et dépenses pour le gouvernement, monsieur Laurin estime que le décrochage scolaire représente un coût économique substantiel pour Lanaudière, qui varie entre 1,37 et 1,87 milliard de dollars annuellement, soit l’équivalent d’entre 3 105 $ et 4 235 $ par habitant de 15 ans et plus.

Des impacts tant individuels que collectifs

« Tous les impacts économiques, psychologiques et sociaux ont aussi évidemment un coût humain intangible, avec des conséquences sur la qualité de vie et le bien-être des décrocheurs », de préciser monsieur Laurin. Pour les décrocheurs, les impacts sont nombreux. En voici quelques-uns :

  • Santé physique et mentale – Sentiment de faible estime de soi, manque de contrôle sur sa vie, fragilité psychosociale, mal-être, difficulté à adopter de saines habitudes de vie (consommation de drogues et d’alcool), réduction de l’espérance de vie, etc.;
  • Comportement social – Exclusion sociale;
  • Employabilité et revenu – Pauvreté, réduction des possibilités d’avancement scolaire et professionnel.

Et tout autant pour la société :

  • Santé physique et mentale – Difficulté à respecter les traitements et à effectuer les suivis médicaux, hausse des dépenses en santé;
  • Comportement social – Taux de criminalité plus élevé, moindre engagement civique et communautaire;
  • Employabilité et revenu – Accroissement de la pénurie de main-d’œuvre, hausse du taux de chômage et d’inactivité;
  • Productivité au travail – Encadrement managérial et soutien psychologique plus importants pour cette population, diminution du potentiel d’innovation et de créativité, baisse de la productivité et des capacités d’adaptation technologique.

Poursuivre et intensifier les actions concertées

Alors que les enjeux sociétaux se complexifient[2] et que le marché du travail est en transformation[3], une région telle que Lanaudière ne peut se passer d’une main-d’œuvre qualifiée, d’autant plus que 55 % de sa population âgée de 15 ans et plus n’atteint pas le niveau 3 de littératie 1, limitant ainsi un trop grand nombre de personnes d’accéder aux compétences indispensables du marché de l’emploi de l’avenir3.

Il apparaît donc primordial que tous les acteurs concernés par la réussite éducative continuent d’agir en soutien et en accompagnement auprès des populations étudiantes, qui sont de plus en plus hétérogènes2 – avec des besoins variés. Bien que la région ait démontré depuis 15 ans sa capacité à travailler ensemble sur ce dossier – la progression du taux de diplomation le prouvant (de 67,9 en 2006‑2007 à 82,2 % en 2021-2022[4]) – les efforts doivent se poursuivre et s’intensifier pour que la région demeure attractive avec une vitalité économique et communautaire pour une meilleure qualité de vie pour tous.

Les pistes de solutions

Afin de favoriser la réussite éducative du plus grand nombre, plusieurs pistes de solutions sont possibles :

  • Effectuer des interventions auprès des parents pour le développement de compétences spécifiques, comme la littératie et la gestion des émotions;
  • Sensibiliser les employeur.ses à l’importance de l’éducation et à une saine conciliation études‑travail en vue de se doter d’un bassin de main-d’œuvre qualifiée;
  • Créer des réseaux de pairs aidants ou proposer des services de mentorat, du tutorat scolaire ou des activités de récupération pour les élèves éprouvant des difficultés d’apprentissage;
  • Offrir différents types d’activités aux jeunes et aux adultes en formation afin qu’ils puissent s’épanouir, développer des compétences personnelles et élargir leurs horizons : activités parascolaires, activités de savoir-être, activités pratiques pour la vie courante;
  • Faire de la lecture un moment de plaisir pour les personnes de tous âges, des plus petites aux plus grandes;
  • Offrir de la formation en entreprise, en collaboration avec le milieu scolaire, et valoriser l’obtention d’un DES ou d’une autre qualification.

Ces solutions ont été le point de départ de l’atelier réflexif tenu en après-midi avec de nombreux partenaires issus de tous les secteurs (municipal, communautaire, scolaire, des affaires, de la santé). Les conclusions des questions abordées telles que « Quelles approches communes pouvons-nous mettre en œuvre pour favoriser la diplomation? » ou encore « Quelles actions pouvez-vous entreprendre dans vos champs d’expertise respectifs? » seront communiquées ultérieurement.

À la lumière de ces chiffres plus qu’inquiétants pour l’avenir prospère de notre région, le président de la Table des préfets de Lanaudière, monsieur Sébastien Nadeau, a dit ceci : « La réussite éducative est un levier de développement social et économique. Même si notre région a fait de beaux progrès, il reste du travail à faire pour que les jeunes et les adultes atteignent leur plein potentiel. […] la solution réside dans une multitude de petits et grands gestes, notamment par la mobilisation et la collaboration de tous les acteurs. Notre force, c’est justement ce travail de concertation et l’effort collectif mis en place pour briser les legs intergénérationnels du décrochage scolaire. Avec l’événement d’aujourd’hui, nous avons tissé une maille de plus pour bonifier nos pratiques et augmenter l’impact des interventions en réussite éducative – nous pouvons en être fiers! »

Légende de gauche à droite : Monsieur Sébastien Nadeau, président de la Table des préfets de Lanaudière, madame Ann-Marie Picard, directrice générale du CREVALE et monsieur Frédéric Laurin, Ph. D chercheur à l’UQTR et auteur de l’étude.

Photo : Mélanie Émond Photographie

[1] LAURIN, F. (janvier 2024). Coûts économiques et impacts du décrochage scolaire sur le développement économique dans Lanaudière, Université du Québec à Trois-Rivières.
[2] CONSORTIUM D’ANIMATION SUR LA PERSÉVÉRANCE ET LA RÉUSSITE EN ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR. (2021). Persévérance en enseignement supérieur, Québec.
[3] COMMISSION DES PARTENAIRES DU MARCHÉ DU TRAVAIL. (2020). Se préparer à un marché du travail en transformation : référentiel québécois des compétences du futur, ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale.
[4] RADAR LANAUDOIS DE LA RÉUSSITE ÉDUCATIVE. (2024). Taux de diplomation et de qualification au secondaire des élèves de moins de 20 ans, CREVALE.